Il ne se passe pas une journée sans que l’on me demande si tel modèle va prendre de la valeur, si la côte de cette autre montre va progresser. Quel investissement faire dans l’horlogerie ?
Valeur refuge ?
L’or est sans aucun doute, et encore plus aujourd’hui, une valeur refuge. Les montres ne le sont pas. C’est devenu, ces dernières années un bien immobilier. On investit dans les montres comme on le ferait dans la pierre. Cela fait partie d’une volonté de diversifier les placements, à l’instar des grands crus classés, les marques horlogères de dérogent pas à cette nouvelle tendance.
Je me répète : tout cela est très nouveau. Pour le vin par exemple, les prix ont été chamboulés par la gourmandise du marché Chinois. En effet, la demande était telle que les prix ont explosés, car la vigne met du temps à pousser, les parcelles ne sont pas extensibles, l’offre ne peut donc suive la demande. La montée vertigineuse des valeurs a donné des idées aux investisseurs qui en ont profité pour proposer un nouveau type de placement à leurs riches clients.
Pour les montres le phénomène est identique. Grâce au marché asiatique, aux réseaux sociaux où la richesse s’affiche en voiture, bords de mer et montres coûteuses, la demande a explosé. D’autres phénomènes ont joué en faveur de cette montée des prix. Lorsque en 2015 la bourse de Genève s’effondre, et que le Franc Suisse perd 20 %, que fait Rolex ? Une augmentation de 20% de ses prix. Mais ce genre de bond est plutôt rare et l’augmentation des prix fût plutôt progressive.
Production saturée et marché gris
De source interne et sûre, je sais une chose : l’usine flambant neuve de Rolex est déjà au maximum des ses capacités de production et il n’est pas question de réinvestir des milliards dans un autre outil de production. Même son de cloche chez Patek Philippe. Cela se traduit par des listes d’attente qui s’allongent (7 ans pour une Nautilus, 4 ans pour une Daytona).
Cela entraine une augmentation des prix. Mais étrangement les marques n’en profitent pas pleinement.
Soit on attend 4 ans pour avoir son beau chronographe, si on a la chance de ne pas se faire passer devant par des clients acceptant d’acheter une montre invendable ou un bijoux hors de prix en plus de l’objet convoité, soit on s’adresse à des revendeurs non agréés. Car des montres, même neuves, encore styquées, sont disponibles mais pour un prix bien plus élevé que le prix boutique. C’est ce que l’on appelle les marché gris.
En 2019, une Nautilus 5711-1A-010 était affichée 27 780 € au catalogue de Patek Philippe. Mais avec 7 ans d’attente. La même Nautilus était vendue 61 000 € sur les sites spécialisés dans la revente de montres neuve, disponible immédiatement. Aujourd’hui, une Rolex Daytona 116500 LN est vendue 12 400 € en magasin agréé et 24 500 € sur le marché gris.
Ces prix s’expliquent par le fait que ces marques vendent aujourd’hui des produits financier et d’investissement. Que deviennent les montres dans tout ça ? La plus part seront stockées dans des coffres et jamais portées par peur de perde un peu d’oseille. Ça n’est pas ma vision de l’horlogerie.
Flambée des prix et investissement
Cette flambée des Rolex et Patek ne s’applique pas à toutes les marques ni à tous les modèles. C’est comme pour le pinard.
Les prix flambes alors les investisseurs de tout bords y voient une opportunité de spéculer. Mais très peu de modèles sont concernés par cette flambée. Chez Rolex ce sont surtout les modèles sport, seul la Rolal OAK chez Audemard Piguet, une séries limitées de Speedmaster de Omega (la « Snoopy ») et tout n’est pas inaccessible chez Patek Philippe, la plus part des modèles sont disponibles en boutique sans liste d’attente.
Alors investir dans une montre qui vaut déjà le double du prix neuf ? Est-ce un bon investissement ? Je vous laisse y réfléchir seul car ça me dépasse.
Par contre je peux vous parler des montres anciennes, celles que je connais mieux et qui ont de réels atouts pour prendre de la valeur.
Et si le prochain critère était la taille ?
Les montres d’aujourd’hui sont grosses, très grosses. Moi qui ne porte jamais de toquantes de plus 35 millimètres, je ne me retrouve pas du tout dans les modèles actuels. C’est d’ailleurs une des raison de mon amour pour le vintage.
Cette mode des montres énormes a eu une conséquence : la baisse des prix des petites montres. Je rappelle que dans les années 30, la taille moyenne d’une montre d’homme était 32 millimètres. D’ailleurs, les rares montres qui dépassaient les 34 millimètres étaient appelées « Oversize », ça veux tout dire.
Personnellement, je place aujourd’hui dans de petites montres, persuadé que cette mode des énormités va passer et que l’humanité se rendra compte que la beauté et l’élégance ne peuvent rimer avec Panerai et SUV. C’est un coup de poker, pour sûr, mais investissement sans risque est il possible ? Mais lorsqu’on regarde les derniers modèles de chez Patek Philippe, on s’aperçoit que les diamètres rétrécissent.
De superbes modèles de chez Movado, Universal Genève sont absolument accessibles aujourd’hui alors qu’ils sont magnifiques et rarissimes.
Quelques histoires pour illustrer
Polerouter
D’ailleurs, une anecdote me vient en parlant de Universal Genève. En 2015, je tombe amoureux de la Polerouter, j’en met plusieurs dans la vitrine de ma boutique. A un prix moyen de 500 euro. Oui 500 euro. Et bien, figurez vous que j’ai mis 2 ans à les fourguer. Cadran chocolat, verre d’origine, des folies, mais comme ce modèle était inconnu des profanes : il était fort accessible. Aujourd’hui les même modèles se vendent environs 2000 euro. Et c’était il y a seulement 5 ans. Pourquoi cette monté en chandelle ? Car cette montre est la première dessinée par le génie Genta (Royal OAK, Nautilus…). J’ai bien fais d’en garder une, persuadé que ça vaudrait plus cher plus tard. Bel investissement.
Idem pour les Speedmaster. Les « Prémoon » (j’aime pas se mot), disons les Speedmaster d’avant 1969, il a fallu la sortie d’un livre « moonwatch only » pour le citer, pour que le prix de ces modèles monte significativement. Bien que le livre ait quelques inexactitudes, cela a mis un coup de projecteur sur ces superbes modèles.
Fournisseurs gris
Autre anecdote croustillante : vous devez vous demander comment les vendeurs du marché gris obtiennent leurs montres neuves ? Car la plupart des montres vendues chez « Cresus » et autres gros détaillants Français, viennent des mêmes endroits. Le premier est la foire horlogère de Munich, organisée tous les deux mois et drainant des acheteurs et des vendeurs du monde entier. Des marchands asiatiques s’y rendent à chaque fois pour vendre des Rolex, beaucoup de Rolex. De la « Datejust » moderne et vinage, des modèles sports vendues entre 800 et 1500 euros en dessous des prix du marché. Il est donc possible, lors de cette foire, de faire de très bonnes affaires ou un bon investissement. Ne vous faites pas braquer en sortant avec votre Submariner rutilante au poignet, les abords de cette salle d’exposition ne sont pas sûrs.
Mais d’autres revendeurs vont encore plus loin. Ils voyagent eux même en Asie et au Moyen-Orient pour acheter des montres moins chères qu’en Europe. Par exemple, les abords des casinos de Macao regorgent de prêteurs sur gages dont les vitrines sont bien fournis en montres très rares à des prix fort convenable. Une fois les montres achetées, ils démontent les bracelets et envoient les montres en Europe en pièces détachées pour éviter les droits de douane mangeurs de marge. Et voici de superbes spécimens disponibles sur le marché gris. CQFD comme on dit.
A cela s’ajoute les clients patients, qui, sortants du revendeur Rolex après plusieurs années d’attente, revendent leur précieux et se remboursent les années écoulées.
Appât du gain et arnaques
Il ne se passe pas une semaine sans que l’on m’envoie des photos ou que l’on m’apporte une montre totalement fausse. Ainsi, plus les prix montent, plus les copies sont dingues. Notamment chez Rolex. Les répliques de « Hulk » par exemple nécessitent souvent que l’on ouvre la montre pour se rendre compte de l’arnaque, les numéros aléatoires de Rolex n’ont pas aidés à l’identification rapide des « falssos ». ATTENTION, tout le mode (ou presque) est au courant des valeurs, alors un prix trop attractif DOIT vous mettre en garde. L’appât du gain est l’ennemi de l’investissent, souvenez vous de Madoff et Kerviel)
Faites attention aux plateformes type Chrono 24, Ebay, Catawiki, Le bon coin, ect, car le nombre de trucs bizarres qui trainent sur ces sites est totalement hallucinant. Mettez un peu plus cher mais achetez chez un professionnel, vous pourrez avoir un suivi ou vous retourner contre lui le cas échéant.
Se renseigner sur l’histoire de l’horlogerie et fouiller est la meilleure chose à faire se lancer dans un investissement. Car un tas de modèle est encore accessible et voués à une monté de prix. A vous de chercher et d’écouter vos gouts et intuitions pour investir dans des montres que vous aurez plaisir à porter.